Vous avez tous vu et lu les malversations d’un des plus grands groupes de la gestion de la dépendance des personnes âgées, le groupe Orpea, racontées dans le livre « Les Fossoyeurs » ; cela a choqué bon nombre de français de voir des pratiques dignes des films de banditisme ; cependant, le dernier rebondissement est le rachat de la branche des EHPAD par la Caisse des Dépôts et de Consignation venant aplatir complètement la valeur de l’action.
Une augmentation de capital qui va diluer plus de 200 fois aura un impact non négligeable sur la valeur même de l’entreprise. Comment cela est-ce possible ? Quel actionnaire pourrait laisser faire une chose pareil ? Surtout que le groupe dispose d’un patrimoine immobilier de plus de 5 à 6 milliards d’euros !

C’est la chute libre en Bourse pour Orpea depuis sa reprise de cotation le 1er février : -22,1% mercredi, -32,2% jeudi et -17% encore ce jour, ce qui ramène l’action du gestionnaire de maisons de retraite tout juste au-dessus du seuil des 3 euros. Elle qui valait quelque 129 euros à son pic historique du 20 février 2020.
Et pour un analyste, c’est encore trop. Chez Oddo BHF, à « neutre » dans ce dossier, l’objectif de cours n’est maintenant plus fixé qu’à… 50 centimes, en raison de la dilution massive qui attend les actionnaires après l’accord de restructuration financière annoncé cette semaine. « Un accord de principe a été trouvé entre Orpea et un groupement d’investisseurs français mené par la Caisse des dépôts et consignations, accompagnée de CNP Assurances, et comprenant par ailleurs la MAIF et MACSF, et de cinq autres institutions coordonnant un groupe élargi de porteurs de dette non sécurisée détenant environ 50% des 3,8 milliards d’euros de dette non-sécurisée d’Orpea », rappelle le cabinet dans sa note datée de jeudi.
Une opération en deux phases
Dans le détail, l’opération porte sur deux niveaux. Tout d’abord, la conversion de la dette non sécurisée correspondant à une réduction de la dette brute de 3,8 milliards avec un taux de conversion de 30%. Ensuite, l’apport d’argent frais pour un montant de 1,55 milliard, provenant d’une augmentation de capital sans droits préférentiels de souscription de 1,16 milliard d’euros réservée à la Caisse des dépôts (CDC) et ses alliés, et d’une autre levée de fonds avec droits préférentiels de souscription cette fois, de 400 millions, pour la CDC, ses alliés, et les porteurs de dette. Au terme de cette restructuration, « le ‘Groupement » formé autour de la CDC détiendrait 50,2% du capital, les porteurs de dette (SteerCo), 49,4%, et les actionnaires actuels, 0,4% », rappelle encore le bureau de recherche.
Une dilution sans précédent, pour Oddo BHF, les 64 millions d’actions actuellement en circulation se transformant en quelque 15 milliards de titres. Soit plus de 99%, contre une fourchette de 90 à 95% plutôt attendue précédemment par le cabinet. L’objectif de cours est donc ramené, compte tenu de ces opérations, de 16 euros à 50 centimes.
« Le marché equity va probablement mettre des mois à se remettre de cette dilution, estime le bureau, et il sera difficile susciter de l’intérêt des investisseurs : flottant étroit, alignement des intérêts des actionnaires, avec d’un côté des investisseurs de long terme (CDC, CNP, MASCF, MAIF) attachés à poursuivre les activités d’un des deux premiers opérateurs de la prise en charge de la dépendance (et à restaurer la confiance et la réputation par les bonnes pratiques de soins et des affaires), et de l’autre des investisseurs de type obligataire (quel effet robinet ?), focalisés sur les cash-flows ».